Commençons par écouter Les souhaits ridules de Charles Perrault : https://youtu.be/xxAWueBFhxY – court et drôle de conte !
Puis à lire Les souhaits (Cinquième fable du livre VII, situé dans le second recueil des Fables) :
Les Souhaits
Il est au Mogol des follets
Qui font office de valets,
Tiennent la maison propre, ont soin de l’équipage,
Et quelquefois du jardinage.
Si vous touchez à leur ouvrage,
Vous gâtez tout. Un d’eux près du Gange autrefois
Cultivait le jardin d’un assez bon Bourgeois.
Il travaillait sans bruit, avait beaucoup d’adresse,
Aimait le maître et la maîtresse,
Et le jardin surtout. Dieu sait si les zéphirs
Peuple ami du Démon l’assistaient dans sa tâche !
Le follet de sa part travaillant sans relâche
Comblait ses hôtes de plaisirs.
Pour plus de marques de son zèle,
Chez ces gens pour toujours il se fût arrêté,
Nonobstant la légèreté
A ses pareils si naturelle ;
Mais ses confrères les esprits
Firent tant que le chef de cette république,
Par caprice ou par politique,
Le changea bientôt de logis.
Ordre lui vient d’aller au fond de la Norvège
Prendre le soin d’une maison
En tout temps couverte de neige ;
Et d’Indou qu’il était on vous le fait lapon.
Avant que de partir l’esprit dit à ses hôtes :
On m’oblige de vous quitter :
Je ne sais pas pour quelles fautes ;
Mais enfin il le faut, je ne puis arrêter
Qu’un temps fort court, un mois, peut-être une semaine,
Employez-la ; formez trois souhaits, car je puis
Rendre trois souhaits accomplis,
Trois sans plus. Souhaiter, ce n’est pas une peine
Etrange et nouvelle aux humains.
Ceux-ci pour premier voeu demandent l’abondance ;
Et l’abondance, à pleines mains,
Verse en leurs coffres la finance,
En leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins ;
Tout en crève. Comment ranger cette chevance ?
Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut !
Tous deux sont empêchés si jamais on le fut.
Les voleurs contre eux complotèrent ;
Les grands Seigneurs leur empruntèrent ;
Le Prince les taxa ! Voilà les pauvres gens
Malheureux par trop de fortune.
Otez-nous de ces biens l’affluence importune,
Dirent-ils l’un et l’autre ; heureux les indigents !
La pauvreté vaut mieux qu’une telle richesse.
Retirez-vous, trésors, fuyez ; et toi Déesse,
Mère du bon esprit, compagne du repos,
O médiocrité, reviens vite. A ces mots
La médiocrité revient ; on lui fait place,
Avec elle ils rentrent en grâce,
Au bout de deux souhaits étant aussi chanceux
Qu’ils étaient, et que sont tous ceux
Qui souhaitent toujours et perdent en chimères
Le temps qu’ils feraient mieux de mettre à leurs affaires.
Le follet en rit avec eux.
Pour profiter de sa largesse,
Quand il voulut partir et qu’il fut sur le point,
Ils demandèrent la sagesse :
C’est un trésor qui n’embarrasse point.
***
Que ce soit au travers de contes, de poésies, de carte de voeux, ou aujourd’hui, de mails ou sms, en cette période de l’année (mois de janvier) c’est un rituel que de se souhaiter « bonne année » et de les accompagner de voeux.
Souhaits, voeux, demandes, aspirations profondes, désirs… Tout cela est émit avec la croyance que la parole est performative (C’est-à-dire le fait pour une phrase, un verbe, etc. de réaliser lui-même ce qu’il énonce. Le fait de prononcer un de ces mots fait alors advenir une réalité). Ainsi l’on se souhaite amour, santé, prospérité dans l’espoir et avec l’intention qu’ils se réalisent comme si l’énoncé de ces souhaits suffisait à les faire advenir.
Cependant, énoncer un souhait est nécessaire, mais pas suffisant ! Le souhait est comme un élan vers quelque chose / quelqu’un… il cherche à s’incarner.
Lorsqu’un patient vient pour la première fois, il est fréquent que le thérapeute, à un moment ou un autre l’interroge : « Quelles sont vos demandent en venant ici ? ». Et si le patient ne comprend pas bien ce que cela signifie, de préciser « Que souhaitez-vous pour vous en faisant cette démarche ? ».
La thérapie est clairement un chemin de transformation. Et, consciemment ou inconsciemment, le patient vient avec le désir, l’espoir, le souhait de voir son vécu changer. Le début d’incarnation de ce souhait est sa présence dans le cabinet du thérapeute.
Car en effet, tout souhait s’accompagne d’une action. C’est la condition pour que ce souhait ait une possibilité de se réaliser. Cette action peut être interne ou externe. Elle est interne lorsqu’elle consiste en un changement de perspective intrapsychique (le fait d’énoncer un souhait « d’avoir meilleure image de soi » par ex. est déjà le signe que cette représentation d’un soi meilleur est en germe dans le monde interne de la personne). Mais cette action peut être externe et se manifester par un changement d’attitude, la mise en acte d’une attitude différente (le fait, toujours dans l’exemple du souhait « d’avoir une meilleure image de soi » de prendre soin de son apparence vestimentaire, de faire acte de coquetterie par ex.).
Et quoiqu’il en soit, il appartient au psychopraticien de soutenir ce souhait, comme un élan de vie puissant du patient qui cherche à s’incarner.
Il importe donc de prendre bien soins de formuler des voeux en conscience afin qu’ils s’incarnent avec sagesse, comme le préconise Jean de La Fontaine…
Pour aller plus loin, un clin d’oeil …
LES BOLOSS des belles lettres : Les fables de La Fontaine
Jean Rochefort
https://youtu.be/irmu5QUtxXI
Belle année à tous !
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