Invitation à la rencontre …
… une pratique ordinaire et extraordinaire !
par André Breton, la Kabbale et Monique Bydlowski
Je vais régulièrement prendre mon café dans un lieu où j’ai l’occasion de « trouver fortuitement » des personnes. Des personnes en tout genre et de toutes nationalités et c’est ce que j’aime dans ce lieu. Ici se croisent enfants, jeunes immigrés, fumeurs de canabis, alcooliques mondains, petites gens ordinaires, joueurs de djiembé ou de loto, jeunes bobos, fans de foot, vieilles mamies, intellos, artistes, employés de bureau, commerçants, étudiants, élus et j’en passe… Ces personnes dont je finis par connaitre certaines, comme les autres que je croise d’un salut cordial, je les rencontre toutes.
Mais qui je rencontre et c’est quoi rencontrer ?
Communément, « Rencontre » est définit de la manière suivante :
- Action d’aller vers quelqu’un qui vient.
- Occasion qui fait trouver fortuitement une personne, une chose.
- Combat imprévu de deux corps ennemis qui se rencontrent.
- Combat singulier non prémédité.
- Concours, conjonction ou opposition des corps. La rencontre des atomes, des planètes, des astres.
Qu’est ce qui fait que moi, être humain égoïste, narcissique que seul moi intéresse vraiment (parlons vrai pour une fois ! ) je peux rencontrer l’autre. Par quel procédé, quelle magie ?
Il y a bien sûr un élan, une curiosité, une générosité (puisque je me « détourne » de moi pour regarder l’autre), mais encore ?
Le concept de kabbalistique de Tsimtsoum apporte une réponse intéressante :
Selon cette approche, l’essence première, l’âme, l’être profond, peut être regardé comme une énergie qui a un mouvement, une direction, une volonté qui cherche à s’incarner.
L’incarnation c’est la rencontre de cette énergie avec la réalité, la matérialité, le corps.
Mais dans cette unicité de soi – corps et âmes – il n’y a pas d’autre.
Pour que quelque chose émane de l’unicité, il faut que le un se rétracte pour laisser de la place à l’autre. Il ne s’agit pas d’un espace physique mais d’un espace dans la pensée, un espace métaphysique ou spirituel. Il s’agit de donner la possibilité à l’autre d’être là.
C’est ce retrait qui permet cette possibilité à l’autre d’être là. Par exemple, on peut dire qu’il y a une place pour les étoiles quand le soleil se retire.
Ainsi, pour révéler l’autre, il faut se retirer, se rétracter.
Le passage de l’un à la multiplicité passe par la rétractation de soi. Mais cette rétraction ne peut se faire sans limite, contour, définition de ce que l’on veut. Ce n’est ni le tout soi, ni le tout autre, mais c’est donner la possibilité du soi avec l’autre, donc à la coexistence.
Ainsi, par exemple, on peut dire que la révélation de la terre ne peut se faire que par la limite des eaux rassemblées dans une place. Ou encore que la mort est contenue dans la vie, et que c’est la vie, en se retirant, qui révèle la mort.
En résumé : L’infini révèle le fini à partir d’un retrait dans un espace limité. Ou encore, l’un révèle l’autre à partir d’un retrait partiel de soi.
Pour permettre à l’autre d’être, il faut donc que les éléments suivants soient rassemblés :
un retrait,
une limite / contour
qui permet une révélation.
C’est là tous les éléments nécessaires pour une rencontre possible dans ce point de vue intéressant et en « creux ». Ce n’est pas l’élan vers l’autre, mais le retrait de soi qui laisse l’autre être et exister face à soi.
André Breton rajoute une dimension à cette notion de rencontre. Pour lui aussi, quelque chose se révèle dans la rencontre, mais ce n’est pas l’autre, c’est soi ! Autrement dit, la rencontre avec l’autre serait une possibilité de rencontre avec soi. La phrase emblématique de cette pensée est celle-ci : « Je m’étais perdu à moi-même, et tu es venue me donner de mes nouvelles » (André Breton, L’amour fou, 1937).
Cela vaut pour la rencontre en général, comme la rencontre amoureuse on encore la rencontre de la maternité par exemple.
Monique Bydlowski , dans son livre La dette de vie : Itinéraire psychanalytique de la maternité, Editions PUF, 2008, montre bien l’effet de la rencontre mère / enfant comme une révélation maternelle. Elle écrit :
Bien que porté pendant des mois, l’enfant naissant est le partenaire d’une rencontre étrangère, hétérogène et soumise au risque du coup de foudre imprévisible. Cette magie imprévisible est jaillissement de l’inconscient, rencontre de représentations inconscientes abritées par la jeune mère, à son insu, avec la réalité physique et sexuée de son enfant. On pense à la formule de l’Amour fou selon André Breton, rendant si bien compte de la rencontre de certains parents avec leur nouveau né (…) Comme toute rencontre d’amour, l’amour maternel, l’amour parental est une surprise.
On voit bien ici comment la rencontre avec l’autre peut parler de soi, de sa manière de faire l’expérience de l’autre qui s’est forgée au fil de la vie (l’attachement, le narcissisme, le rapport aux femmes, aux hommes, à l’inconnu, aux épreuves…)
La rencontre est donc une rencontre de l’autre, mais aussi une rencontre de soi.
Intéressons-nous à ce qui se révèle dans nos cabinets …
L’arrivée d’un patient, c’est une rencontre.
Pour le patient, il vient chercher l’autre. Mais en fait, c’est lui qu’il vient chercher en cherchant l’aide d’un tiers.
Le psychopraticien, quant à lui, le reçoit en tant qu’être unique incarné dans son corps.
Psychiquement, il se met partiellement en retrait pour permettre à son patient de se révéler à lui-même, dans un espace physique limité par un cadre.
C’est dans cette absolue présence du thérapeute, de laquelle il se retire partiellement, que le patient peut prendre place, exister corps et âme, et se révéler à lui-même dans toute son authenticité, et laisser toute la place à cette énergie primaire, essence première de l’être.
Il se peut aussi, parfois, que la séance soit, pour le psychopraticien une révélation pour soi, de soi à soi, possiblement abordée en supervision ou dans son processus personnel.
Car au-delà du cadre très spécifique de la relation thérapeutique, c’est bien d’une rencontre qu’il s’agit, et c’est parce qu’il y a cette rencontre que la guérison trouve son chemin, que la transformation devient possible.
Pour aller plus loin…
Un film d’animation sur les différentes manières de se rencontrer…
Watch “I think I love you” on Vimeo: https://vimeo.com/214413623?ref=em-share
Une chanson :
« Rencontres » de Grand corps malade
https://youtu.be/3nHG-gKYqTU
Un air de musique Klezmer :
TSIMTSOUM à France Culture – Klezmer metis music –
Walking in laws home (Brandwein art Sparks / tsimtsoum)
https://youtu.be/e2kxb1xp3Lo
L’hiver se retire, rencontrons le printemps !
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