Réflexion sur l’avenir…
Vu par la nature…
Nous sommes dans un temps du monde particulier.
Un message contradictoire nous est adressé en permanence…
Comment rester du côté de la vie lorsque le monde renvoie à quelque chose de pervers et de morbide. Car c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque les messages envoyés sont paradoxaux :
Acheter des voitures (diesel notamment), mais taxons l’essence
Mangez bio, mais soutenons l’agriculture intensive
Signons les accords de Paris, mais refusons d’interdir le Glyphosathe
Réformons le droit du travail mais pas le droit du capital
Manifestez, mais en silence…
Tant d’injonctions paradoxales qui rendent fou…
Tant de projections d’avenir apocalyptique… les plus optimistes affirmant que nous « pouvons encore sauver la planète ».
En relisant Sapiens, une brève histoire de l’humanité, de Y. N. Harari, on retrouve cette question du dualité en écho : « Depuis la révolution cognitive, les Sapiens ont donc vécu dans une double réalité. D’un côté, la réalité objective des rivières des arbres et des lions ; de l’autre, la réalité imaginaire des dieux, des nations et des société. Au fil du temps, la réalité imaginaire est devenue toujours plus puissante, au point que de nos jours la survie même des rivières, des arbres et des lions dépend de la grâce des entités imaginaires comme le Dieu Tout-Puissant, les Etats-Unis ou Google. »
Deux mots m’interpellent : Toute-Puissance et Imaginaire… Cela ouvre un autre thème, mais qu’il est important de nommer ici dores et déjà.
Le monde actuel nous renvoie donc notamment :
Au changement (climatique),
Au dérèglement (chaos),
A la mort (fin du monde, d’un monde, d’un système),
Il re-questionne nos manières de vivre.
Il n’est alors pas surprenant d’en avoir un écho dans nos cabinets, et notamment chez les jeunes adultes.
Une patiente arrive en séance, elle s’installe, lentement, lourdement. Elle a les yeux bouffis. Elle a peine à parler. Dans l’émotion qu’elle exprime j’entends ses mots qui me disent son effroi depuis 15 jours que je ne l’ai vu suite au visionnage d’un documentaire sur la disparition des insectes…
Une autre s’interroge sur le sens du monde et de sa vie : Elle voudrait travailler dans « l’équitable » ou la permaculture et pourtant elle vit en ville et travaille dans une grande entreprise de presse. Elle ne se sent pas raccord avec elle dans cette vie là, se sentant dans une impasse.
Un jeune homme, militant depuis ses études, vit en collectivité, s’engage dans l’éducation populaire et la médiation sociale car il défend l’idée d’un travail différent, loin du monde des entreprises, il s’interroge sur une installation collective et collaborative en campagne. Projet d’une vie en auto-suffisance, solidaire, écologique. Il interroge le sens du travail.
Cet autre patient altermondialiste qui évoque souvent les sujets politiques et sociaux qui le mobilisent et mettent en exergue les absurdités de la société actuelle. Et qui ne veut pas d’enfant, car il n’y a pas d’avenir pour eux.
Celle-ci, enfin, qui travaille avec les migrants et les détenus… s’effondre devant l’énormité de la tache et l’absurdité institutionnelle. Prône une vie écologique, collective et militante…
Quel avenir à proposer à nos jeunes ?
Que répondre à leurs questionnements sur le futur ?
Quel sens donner à la vie lorsque ce qui semble s’annoncer c’est la fin du monde ? De quel monde s’agit-il d’ailleurs ?
De quoi parlons-nous ?
Parlons-nous de l’effondrement du système capitaliste ?
S’agit-il de défis démographiques, économiques et sociaux à relever ?
Ou encore de l’avenir écologique, climatique de la planète ?
Il semble que cela concerne à la fois l’écologie, mais aussi la politique. Il s’agit de quelque chose de personnel et de collectif. De soi, des autres, du sens de la vie…
Comment en tant que thérapeute accompagner ces êtres, et ils sont de plus en plus nombreux, ébranlés par l’avenir de notre Terre, les dysfonctionnements écologiques, climatiques, sociaux, politiques, …. Car parfois, il n’est pas si facile, même à soi-même de se dire : « Cool, tout va bien. Tout va bien se passer, l’avenir radieux est devant nous ! »…
Nous qui pour bon nombre d’entre nous n’avons pas connu la guerre, l’exile forcé, la misère alimentaire, et où la pauvreté fut « relative » comparée à la famine… nous, qui sommes nés pendant les 30 glorieuses et avons commencé notre vie d’adulte avec les crises économiques (pétrolières et financières)… nous, qui avons découvert il y a peu de temps les nouvelles formes de guerres terroristes (après les guerres militaires, les guérillas et attentats de groupes politiques) … et qui pour la première fois depuis 70 ans n’avons pas à offrir du mieux à nos enfants, mais du pire
Oui, nous les adultes, les anciens ! Nous les thérapeutes d’aujourd’hui, qui sommes nous-mêmes ébranlés par ses questionnements et ces problématiques… comment pouvons-nous, devons-nous, intervenir auprès de nos patients ?
Il n’y a bien sûr aucun mode d’emploi, cependant l’Analyse Psycho-Organique offre, notamment, trois axes d’intervention :
Thématiser – Du concept au besoin.
Lorsque cette patiente est arrivée, effondrée de la disparition des insectes, je me suis demandée de quoi ça parlait. J’ai tenté de thématiser, méta conceptualiser en quelque sorte, ce que ma patiente évoquait. C’est ainsi qu’au fur et à mesure de la séance, et après avoir accueilli son émotion, je l’ai accompagnée pour approfondir et thématiser de quoi cette disparition des insectes parlait. C’est alors que le thème est apparu : Celui de la finitude. La fin. La fin de la vie. Du monde. La mort.
Il lui a été alors possible d’explorer son rapport à la finitude, à la mort.
Thématiser, c’est passer d’une micro perception/représentation à une macro perception/représentation : C’est permettre au patient de se saisir du sujet apparent dans l’instant (la perte des insectes) et « jouer avec » / explorer le sujet, pour aller au-delà de ce qui est apparent, le thème sous-jacent.
Sensologie (sens de la vie) – Exploration de la sensation et du sentiment
Qu’est-ce que je ressens ? Qui je suis (moi qui fait l’expérience du monde de cette manière là) ? Comment j’habite ce monde
Face au dérèglement climatique, à la dérégulation, à cette sensation de chaos et de fin du monde, le sentiment d’une perte de sens crée souvent un désespoir, voir un effondrement chez les patients. Une sensation de vide. Un sentiment d’absurde et qu’il y a quelque chose de vain. Un sentiment d’impuissance.
Cette perte de sens relève du rapport de soi au monde, et de comment cela résonne en soi.
L’approche philosophique de l’être faite en Analyse Psycho-Organique, laisse la place à l’expression du sentiment et de la sensation, ce qui permet alors au patient d’explorer ses besoins et son identité. Il est en effet possible pour le patient de (re)trouver un sens à sa vie (par ses actions, ses choix…) lorsqu’il est en contact avec sa profondeur organique.
Pour cela le thérapeute soutient le patient dans son attention à ce qui se passe en lui et le guide pour partir du sentiment ou de la sensation vers le ressenti du besoin. Et du besoin à « Qui je suis? » et ensuite à « Comment j’habite le monde, moi, avec ce thème là? » qui mène au troisième axe : L’action.
Action – Expression / Incarnation
ou comment agir pour habiter un monde qui me convienne ?
On l’a vu, l’Analyse Psycho-Organique relie le sens que l’on donne à l’expérience vécue et la manière dont on la ressent. Elle met ainsi l’accent sur « le choix d’expérience ». Ce qui veut dire que l’on considère que chacun est responsable de ses choix (choix d’expérience) et peut devenir acteur de sa vie, porteur de ses propres valeurs.
L’ouverture au monde symbolique (à tous les possibles) favorisée par l’accès à sa profondeur organique, permet au patient de se faire une représentation de ce monde, et de comment agir pour y accéder.
Il a alors la possibilité de sentir son désir et sa capacité créative, celle de faire : c’est à dire d’explorer comment il souhaite s’incarner dans ce monde-ci. Identifier ses valeurs et forger ses actions font parti de ce travail qui permet alors au patient de faire une expérience du monde qui émane de son « noyaux sain », dans un mouvement de vie qui peut s’incarner dans son action.
Vive le renouveau ! Joyeux printemps !
Pour aller plus loin :
Ecouter :
Matière à penser – Série de 5 émissions « Mauvais départ pour le siècle, comment préparer l’avenir ? » https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-a-penser/mauvais-depart-pour-le-siecle-comment-preparer-lavenir-15-lirruption-de-lanthropocene
Tout un monde. « Décroitre et multiplier : l’internationale de la décroissance ». https://www.franceculture.fr/emissions/tout-un-monde/decroitre-et-demultiplier-l-internationale-de-la-decroissance
Dimanche et après ? Peut-on reconquérir nos insectes ?https://www.franceculture.fr/emissions/dimanche-et-apres/dimanche-et-apres-du-dimanche-17-fevrier-2019?xtor=EPR-3
Lire :
Article de Libération – Interview de Dennis Meadows – 15 juin 2012 https://www.liberation.fr/futurs/2012/06/15/le-scenario-de-l-effondrement-l-emporte_826664
Aarto pasalina – Prisonniers du paradis (Gallimard 1998)
https://www.babelio.com/livres/Paasilinna-Prisonniers-du-paradis/2992
Un livre drôle, à découvrir pour ceux qui ne connaissent pas ce merveilleux auteur !
Résumé:
Un avion qui fait un amerrissage forcé avec à son bord des sages-femmes et des bûcherons. Voici les naufragés qui s’organisent, chacun retrouvant vite ses habitudes. Une plage de sable blanc bordée de cocotiers et où finalement, entre chasse, pêche et culture, la vie ne va pas être désagréable du tout. Au point que certains n’auront aucune envie de retrouver la « civilisation » quand un navire américain s’approche et que son commandant veut évacuer les joyeux naufragés. Des problèmes aigus vont alors se poser et il faudra tout l’humour de Paasilinna pour tenter de les résoudre.
Film :
In my room de Ulrich Kôhler http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=250228.html
Résumé :
Armin vogue d’échecs professionnels en déceptions sentimentales. Il n’est pas vraiment heureux, mais ne peut pas s’imaginer vivre autrement. Un matin il se réveille : si le monde semble inchangé, tous les êtres humains se sont volatilisés. Robinson Crusoé des temps modernes, Armin prend alors un nouveau départ. Cette liberté totale lui donne des ailes, mais tout ne se passe pas comme prévu…